Interrogatoire de Miss Levinson | Enquête sur Timaël Marloes

L'enquête est ouverte...

Trop heureuse de quitter la salle de cours, Astrid referma bruyamment la porte avant de se précipiter dans les couloirs. Enfin un peu d'action! Avec un soupir de soulagement, elle balança son sac sur son épaule. Evidemment, c'était un peu surprenant de se faire convoquer de la sorte, mais ce n'était qu'un détail. La rouquine n'avait aucune idée de se que lui voulaient les brigadiers, mais une chose était sûre: elle leur était déjà incroyablement reconnaissante de l'avoir libérée du cours de magie fondamentale. Pas que ce dernier ne fut pas intéressant, au contraire! Mais à vrai dire, Astrid éprouvait les plus grandes difficultés à rester assise sagement sur une chaise et écouter un adulte parler pendant des heures. A fortiori si cet adulte était Mr Nikolov en personne, le prof le plus antipathique de cet établissement!
D'une démarche souple presque sautillante, la jeune fille se dirigea vers l'escalier de marbre qui desservait les différents étages. Elle avait déjà été convoquée dans les bureaux du personnel assez souvent pour connaître le chemin par coeur. Au troisième étage, elle emprunta un des nombreux corridors tortueux. Puis, elle bifurqua vers la partie sud où se trouvait la tourelle permettant d'accéder au dernier étage. Immédiatement, elle calma son allure. Même si les couloirs de cet étage étaient la plupart du temps déserts, il ne s'agissait pas de se faire remarquer. Après tout, c'était ici même que le directeur de l'institut travaillait.
Légèrement essoufflée, la rouquine laissa son regard effleurer les murs richement décorés. C'était la partie du château qu'elle préférait. L'atmosphère y était pesante, mais tout respirait le luxe et la somptuosité. A côté de la beauté de ces lieux, le reste du bâtiment ressemblait plus à un pauvre vestige de forteresse décrépie.
Prudemment, la jeune fille s'approchait des portes. C'était la première fois qu'elle se rendait aux bureaux des brigadiers. Elle se demandait ce qu'elle allait bien pouvoir leur dire. A mesure qu'elle approchait de son but, son allégresse retombait un peu plus. Lorsqu'elle parvint devant la porte, elle hésita un instant avant de toquer poliment contre le bois. Puis sans plus attendre, elle pénétra dans la pièce. Malgré le sourire confiant qu'elle avait accroché à ses lèvres, elle ne put réprimer la grimace d'aversion que lui causa la vue du brigadier. Il s'agissait justement de la brute épaisse qui leur avaient fait un discours d'accueil voilà quelques semaines. Dès qu'il avait ouvert la bouche, Astrid avait senti qu'ils n'allaient pas s'entendre. Il était froid, insensible et exigeait des élèves qu'ils soient dociles. Mais d'un autre côté, il représentait le seul espoir pour retrouver Timaël. Et c'était l'unique raison pour laquelle Astrid décida d'être gentille et disciplinée et de l'aider. Enfin du moins, elle allait essayer d'être gentille et disciplinée.



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L'enquête est ouverte...

Imperceptiblement, Astrid fronça le nez. Le "brigadier" était encore plus antipathique que dans ses souvenirs. La jeune fille s'installa donc sur la chaise qui était encore libre. Elle avait pris le parti de ne pas répondre à la précédente interrogation de son interlocuteur. De toute, manière, cela ressemblait plus à un reproche qu'à une question. Qu'aurait-elle bien pu répondre? Rien. Alors autant épargner sa salive.
Le dénommé Desmop, si elle se souvenait bien, ne perdit pas une seconde pour entrer dans le vif du sujet. Le sourire d'Astrid se transforma involontairement en une moue exaspérée. Elle trouvait ridicule le fait de revenir sur ce qu'elle avait prononcé voilà quelques jours. La rouquine espérait que ce n'était pas uniquement pour cette raison que le brigadier l'avait convoqué. Elle n'avait pas l'habitude de revenir sur ce qu'elle avait fait, ou dit par le passé. Elle se concentrait sur l'instant présent, tout simplement. Prenant ses aises, sur son siège, elle se laissa aller contre le dossier et croisa les jambes. Aujourd'hui, pas question de parler sans réfléchir. Visiblement, l'autre avait décidé de noter tout ce qu'elle dirait. Astrid n'appréciait pas trop cette manoeuvre. Qui sait ce qu'il allait faire de ses notes une fois l'interrogatoire passé?
La rouquine raisonna à tout allure. Oui, elle avait réfléchi depuis la dernière fois. Non, cela n'avait rien changé au fait qu'elle ne faisait pas confiance à l'individu qui lui faisait face. Astrid ne mentait jamais. Elle en était incapable. C'était à la fois un avantage et un inconvénient. A force de dire tout ce qu'elle pensait, elle se retrouvait parfois dans des situations inconfortables, comme aujourd'hui. Mais d'un autre côté, elle ne risquait pas grand chose à avouer sa méfiance au brigadier. De toute manière, elle n'avait rien à se reprocher, rien à cacher. Desmop ne pouvait rien contre elle. Il ne pouvait pas l'arrêter pour la simple raison qu'elle se méfiait de lui? De toute manière, tout le monde se méfiait de tout en ce moment. Elle n'était donc pas un cas à part. Elle répondit donc à son interlocuteur avec un sourire sincère.


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L'enquête est ouverte...

La question de Desmop n'était pas très originale. Ce qu'elle savait de Timaël? En y réfléchissant bien, pas grand chose. C'est vrai, ils passaient beaucoup de temps ensemble, rivalisant d'originalité pour enfreindre le règlement. C'était devenu un petit jeu entre les deux: le jeu de celui qui arriverait à se faire plus remarquer que l'autre, celui qui aurait le dernier mot. A part se lancer des piques et s'engager dans des joutes verbales sans fin, ils n'avaient jamais eu de vraie discussion. Elle ne s'était jamais confiée à lui, et c'était réciproque. Ce qu'elle savait de lui, elle l'avait vu, déduit ou entendu de la bouche des autres. Mais elle ne lui avait encore jamais posé de questions le concernant lui, sa personnalité, ses aspirations, sa famille, ses origines. C'était à peine si elle savait qu'il était bulgare.
Astrid hésita. Le peu de choses qu'elle savait de Timaël ne devait pas avoir une grande importance dans l'enquête concernant sa disparition. La rouquine soupira.


Le sourire qui flottait sur ses lèvres s'illumina un peu plus. Elle repensait à la manière dont ils avaient fait connaissance pour la première fois, l'année dernière. Il s'agissait plus d'une rencontre faite par hasard, alors qu'il s'apprêtaient tous les deux à commettre la même infraction au règlement, au beau milieu de la nuit. La rouquine avait immédiatement apprécié son répondant et son audace. depuis ce jour, elle savait qu'elle pouvait compter sur lui quand il s'agissait de faire des gaffes.

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L'enquête est ouverte...

Un sourire d'agacement s’échappa finalement des lèvres d'Astrid. Ce brigadier cherchait vraiment midi à quatorze heures! Ses questions étaient stupides et commençaient vraiment à être agaçantes.
Visiblement, le Desmop n'était pas satisfait de sa précédente réplique. Pourtant, la jeune fille ne voyait pas quoi ajouter de plus. Non en effet, le fait d'avoir un sale caractère n'était pas un défaut aux yeux de la Voda. Au contraire, c'était plutôt un bon signe. Elle n'avait jamais pu s'entendre avec les individus hypocrites, qui se fondaient dans la masse, qui faisaient tout pour "entrer dans le moule". Ce genre de comportement la révulsait au plus haut point. Ces gens là étaient fades, sans intérêt. Timaël au moins avait ce grain de folie qui rendait ses réactions parfois imprévisibles, or c'était justement ça qu'Astrid appréciait.


Le sourire qu'Astrid avait soigneusement conservé jusque là s'évanouit subitement, laissant place à une mine irritée. Tant pis pour les bonnes résolutions, mais être gentille et disciplinée était décidément au dessus de ses capacités. La jeune fille décida donc d'être plus directe avec son interlocuteur. Elle se doutait bien que ce dernier n'allait pas apprécier son attitude, mais tant pis. Elle n'avait jamais menti, trouvant bien plus efficace d'exprimer clairement ses pensées. Au moins les choses étaient claires entre elle et ses interlocuteurs.


Astrid croisa résolument les bras. Le brigadier commençait sérieusement à lui taper sur les nerfs. Elle voulait bien collaborer à l'enquête, mais à condition que son aide apporte vraiment quelque chose. Or, ce n'tait pas du tout le cas. A croire que le brigadier se montrait désagréable dans le but d’impressionner les élèves, parce que lui même ne se trouvait pas crédible? Les personnes qui avaient vraiment de l'influence, celles qui savent de quoi elle parlent, n'ont pas besoin de se montrer odieux pour se faire respecter. Il suffisait de prendre l'exemple de Nikolov. Il ne se montrait jamais menaçant, simplement parce qu'il était compétent et n'avait pas besoin de prouver sa valeur. Et il n'en était que plus crédible.


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